Une décennie s’est écoulée depuis que Darwin nous a quittés. Et pourtant ses derniers mots résonnent encore dans ma tête, comme s’il venait tout juste de les griffonner sur son cahier, allongé sur un lit médicalisé, dans la petite officine de l’hôpital pour enfants où il se préparait à rejoindre le Ciel. Je le vois me fixer des yeux pour s’assurer que je lui prête toute mon attention, puis réclamer de quoi écrire afin de me donner son plus beau testament : « Je suis très heureux… »
Des mots tout simples qui expriment évidemment un grand mystère, sa souffrance manifestement sublimée, mais aussi de manière plus pragmatique des mots qui nous fixent un objectif, un sommet à atteindre pour tous les enfants confiés à la fondation : leur offrir un bonheur vrai, authentique, profond, durable et inaltérable malgré les terribles souffrances qu’ils ont endurées dans la rue.
Le procès de béatification suit son cours et nous ne pouvons pas interférer pour préserver l’intégrité de l’enquête canonique, mais en fin de compte, si nous souhaitons et prions évidemment du fond du cœur que notre petit frère devienne un nouvel intercesseur de l’Eglise, le plus important demeure sans le moindre doute qu’il veille sur chacun de nos pensionnaires et qu’il les guide vers ce bonheur plus essentiel, qui n’est assurément pas celui de notre monde. « Je suis très heureux .», écrivait Darwin avant de rendre l’âme, c’est la grâce que nous demandons, par son intercession, pour vous tous qui nous accompagnez si fidèlement.
« Serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur. » (Mt 25, 23)
Abbé Matthieu Dauchez – directeur de la fondation à Manille